« De la République des Lettres aux logiciels libres » : différence entre les versions

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(Page créée avec « == Introduction == On me demande de prononcer quelques paroles sur les concepts de «bien commun» et de «logiciel libre». J'ai personnellement l'habitude de discuter de... »)
 
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== Quelques jalons d'histoire ==
== Quelques jalons d'histoire ==
La philosophie de la communauté du logiciel libre n'est pas apparue de nulle part, on s'en doute bien. Je vais parler brièvement de quelques communautés qui peuvent se comparer sous certaines rapports à celle du logiciel libre, soit celle des citoyens de la République des Lettres, celle des philosophes qui collaborerons à ''L'Encyclopédie'' et celles des hackers du Massachusetts Institute of Technology (MIT). J'aurais évidemment pu parler des communautés universitaires ou de recherche, qui sont des exemples, disons, plus génériques, de communautés en principe occupées à produire et transmettre le bien commun qu'est la connaissance.
La philosophie de la communauté du logiciel libre n'est pas apparue de nulle part, on s'en doute bien. Je vais parler brièvement de quelques communautés qui peuvent se comparer sous certains rapports à celle du logiciel libre, soit celle des citoyens de la République des Lettres, celle des philosophes qui collaboreront à ''L'Encyclopédie'' et celles des hackers du Massachusetts Institute of Technology (MIT). J'aurais évidemment pu parler des communautés universitaires ou de recherche, qui sont des exemples, disons, plus génériques, de communautés en principe occupées à produire et transmettre le bien commun qu'est la connaissance.


=== La République des Lettres : la chose commune de l'esprit ===
=== La République des Lettres : la chose commune de l'esprit ===
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=== Les communautés de hackers : ''all information should be free'' ===
=== Les communautés de hackers : ''all information should be free'' ===
Deux gens qui ont l'esprit d'ingénieur, de bricoleur, de «bidouilleur», comme disent les Français, ou de «patenteux», comme on dit chez nous, les hackers de l'informatique en sont. Ils et elles ont une passion dévorante : explorer les possibilités des ordinateurs, leur faire faire des choses qui n'ont jamais été faites auparavant. Il n'est pas nécessaire du tout que les choses qu'on souhaite faire avec l'ordinateur soient «productives» ou qu'elles aient des applications commerciales : il faut simplement qu'elles soient amusantes ou qu'elles posent un défi. L'industrie du ''copyright'', qui est très puissante en 20e siècle (imprimé, radio, cinéma, télévision, vinyle, cassettes, etc.) ne fera bien entendu rien pour les aider dans leurs desseins.
Des gens qui ont l'esprit d'ingénieur, de bricoleur, de «bidouilleur», comme disent les Français, ou de «patenteux», comme on dit chez nous, les hackers de l'informatique en sont. Ils et elles ont une passion dévorante : explorer les possibilités des ordinateurs, leur faire faire des choses qui n'ont jamais été faites auparavant. Il n'est pas nécessaire du tout que les choses qu'on souhaite faire avec l'ordinateur soient «productives» ou qu'elles aient des applications commerciales : il faut simplement qu'elles soient amusantes ou qu'elles posent un défi. L'industrie du ''copyright'', qui est très puissante en 20e siècle (imprimé, radio, cinéma, télévision, vinyle, cassettes, etc.) ne fera bien entendu rien pour les aider dans leurs desseins.


Les hackers travaillent-ils pour le «bien commun» ? Ont-ils même l'impression de travailler ? Se posent-ils des questions d'éthique ?
Les hackers travaillent-ils pour le «bien commun» ? Ont-ils même l'impression de travailler ? Se posent-ils des questions d'éthique ?
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# protéger ce qu'on s'est approprié par la loi (copyright, etc.), l'incompatibilité volontaire, diverses antifonctionnalités, etc.
# protéger ce qu'on s'est approprié par la loi (copyright, etc.), l'incompatibilité volontaire, diverses antifonctionnalités, etc.
# réprimer les «partageux» et autres «pirates» avec l'argent des contribuables et des consommateurs
# réprimer les «partageux» et autres «pirates» avec l'argent des contribuables et des consommateurs
# éviter de payer de l'impôt sur les profits grâce aux paradis fiscaux (Irelande, Luxembourg, etc.)
# éviter de payer de l'impôt sur les profits grâce aux paradis fiscaux (Irlande, Luxembourg, etc.)


Ce modèle a non seulement produit une indécente concentration de la richesse dans les mains d'un petit groupe de personnes, il a aussi freiné pendant de nombreuses années l'innovation, la coopération, l'entraide et même l'émergence de véritables industries nationales de services informatiques hors des États-Unis.
Ce modèle a non seulement produit une indécente concentration de la richesse dans les mains d'un petit groupe de personnes, il a aussi freiné pendant de nombreuses années l'innovation, la coopération, l'entraide et même l'émergence de véritables industries nationales de services informatiques hors des États-Unis.
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=== Fondations privées sans but lucratif : Linux et WordPress ===
=== Fondations privées sans but lucratif : Linux et WordPress ===
Derrière un bon nombre de grands projets de logiciel libre il y a une fondation : Free Software Foundation, Linux Foundation, WordPress Foundation, Mozilla Foundation, Apache Foundation, Blender Foundation, GNOME Foundation, The Document Foundation. Ces organismes de bienfaisance collecte gèrent des fonds et des marques de commerce, collectent des dons, fournissent encadrement et soutien aux activités de la communauté de développeurs.
Derrière un bon nombre de grands projets de logiciel libre il y a une fondation : Free Software Foundation, Linux Foundation, WordPress Foundation, Mozilla Foundation, Apache Foundation, Blender Foundation, GNOME Foundation, The Document Foundation. Ces organismes de bienfaisance gèrent des fonds et des marques de commerce, collectent des dons, fournissent encadrement et soutien aux activités de la communauté de développeurs.


La Linux Foundation, qui soutient le développement du célèbre noyau de système d'exploitation du même nom, est mise sur pied en 2007 par la fusion du Free Standards Group et de Open Source Development Labs. En 2010 elle avait déjà des revenus annuels de près de 10 millions de dollars USD<ref>Brian Proffitt, «[http://www.itworld.com/article/2727915/it-management/nonprofit-open-source-organizations-booming.html Nonprofit open source organizations booming]», ''itworld.com'', 22 mars, 2012.</ref>. En 2015 on retrouve sur son conseil d'administration des membres individuels de la Fondation, mais une majorité de représentants de grandes entreprises d'informatique : IBM, Intel, Oracle, Fujitsu, HP, Samsung, NEC, etc. La Fondation est une grosse machine avec ses gestionnaires, conseillers juridiques, stratèges, employés (dont Linus Torvalds), programmes de certification professionnelle, groupes de travail, projets collaboratifs, grands événements internationaux, publications, etc. Avec la Mozilla Foundation, la Linux Foundation est sans doute la fondation qui a la facture la plus ''business'' de toutes celles qu'on peut considérer comme majeures dans le milieu du logiciel libre.
La Linux Foundation, qui soutient le développement du célèbre noyau de système d'exploitation du même nom, est mise sur pied en 2007 par la fusion du Free Standards Group et de Open Source Development Labs. En 2010 elle avait déjà des revenus annuels de près de 10 millions de dollars USD<ref>Brian Proffitt, «[http://www.itworld.com/article/2727915/it-management/nonprofit-open-source-organizations-booming.html Nonprofit open source organizations booming]», ''itworld.com'', 22 mars, 2012.</ref>. En 2015 on retrouve sur son conseil d'administration des membres individuels de la Fondation, mais une majorité de représentants de grandes entreprises d'informatique : IBM, Intel, Oracle, Fujitsu, HP, Samsung, NEC, etc. La Fondation est une grosse machine avec ses gestionnaires, conseillers juridiques, stratèges, employés (dont Linus Torvalds), programmes de certification professionnelle, groupes de travail, projets collaboratifs, grands événements internationaux, publications, etc. Avec la Mozilla Foundation, la Linux Foundation est sans doute la fondation qui a la facture la plus ''business'' de toutes celles qu'on peut considérer comme majeures dans le milieu du logiciel libre.
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Mon opinion est que la «gratuité» du numérique présente autant de bénéfices, de défis que de pièges.
Mon opinion est que la «gratuité» du numérique présente autant de bénéfices, de défis que de pièges.


Sur le plan théorique, les bénéfices sont nombreux et nous font espérer un monde meilleur dans lequel les technologies de l'information serviront et protègeront les droits de l'être humain au lieu de les menacer et contribueront à lutter contre les inégalités au lieu de les aggraver. En effet, il est facile voir comment la liberté de copier les logiciels libres en toute légalité peut aider à les faire connaître et à les faire adopter par le plus grand nombre. Toute la société peut bénéficier de l'abondance de la ressource «logiciel».
Sur le plan théorique, les bénéfices sont nombreux et nous font espérer un monde meilleur dans lequel les technologies de l'information serviront et protègeront les droits de l'être humain au lieu de les menacer et contribueront à lutter contre les inégalités au lieu de les aggraver. En effet, il est facile de voir comment la liberté de copier les logiciels libres en toute légalité peut aider à les faire connaître et à les faire adopter par le plus grand nombre. Toute la société peut bénéficier de l'abondance de la ressource «logiciel».


Mais il a des défis et des pièges comme je le disais.  
Mais il a des défis et des pièges comme je le disais.  
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