« Commentaires sur la Politique sur l'utilisation et le développement des logiciels et du matériel libres de la Ville de Montréal » : différence entre les versions

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Globalement, dans son esprit général, et aussi dans le détail de ses objectifs, de ses orientations et de ses principes directeurs, il s'agit selon notre analyse d'une bonne politique.
Globalement, dans son esprit général, et aussi dans le détail de ses objectifs, de ses orientations et de ses principes directeurs, il s'agit selon notre analyse d'une bonne politique.


L'intention du législateur, telle qu'exprimée par la bouche de M. François Croteau<ref>«[http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=7357,76283683&_dad=portal&_schema=PORTAL&id=142239412 Monsieur François William Croteau]», ''ville.montreal.qc.ca''.</ref>, responsable des technologies de l'information, est également encourageante. FACiL n'avait à ce jour jamais entendu d'élu haut placé dans le pouvoir exécutif d'un gouvernement situé en sol québécois dire devant les caméras que les logiciels libres sont avantageux par rapport aux logiciels non libres car ils facilitent le partage de solutions réutilisables par les administrations publiques. Jamais non plus nous n'avions entendu une personne en position de donner des orientations politiques parler de la nécessité pour une organisation de contribuer aux logiciels libres qu'elle utilise. Nous avons souvent vu des élus montrer clairement qu'ils comprenaient l'urgence pour le secteur public de bâtir une expertise interne en technologies de l'information (TI), mais jamais avant M. Croteau on avait aussi clairement indiqué que cette expertise devait obligatoirement inclure une importante expertise en développement de logiciels libres. C'était aussi la première fois que dans la bouche d'un élu du peuple on entendait dire que les logiciels non libres sont, règle générale, désavantageux en raison des restrictions de leurs licences, restrictions assimilées à une forme de «menottage» dans lequel le «menotteur» est le propriétaire du logiciel et le «menotté», son utilisateur<ref>Ceux et celles qui ne seraient pas encore convaincus des conséquences négatives d'utiliser des logiciels qui ont des propriétaires sont invités à visionner l'enquête ''The Microsoft Dilemma. Is Europe Being Colonized by Software?'' (2018) produite initialement en allemand et disponible [https://www.april.org/open-bar-microsoftdefense-l-enquete-de-la-television-publique-allemande-ard-a-present-disponible-en en traduction anglaise] peu de temps après.</ref>.
L'intention du législateur, telle qu'exprimée par la bouche de M. François Croteau<ref>«[http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=7357,76283683&_dad=portal&_schema=PORTAL&id=142239412 Monsieur François William Croteau]», ''ville.montreal.qc.ca''.</ref>, responsable des technologies de l'information, est également encourageante. FACiL n'avait à ce jour jamais entendu d'élu haut placé dans le pouvoir exécutif d'un gouvernement situé en sol québécois dire devant les caméras que les logiciels libres sont avantageux par rapport aux logiciels non libres car ils facilitent le partage de solutions réutilisables par les administrations publiques. Jamais non plus nous n'avions entendu une personne en position de donner des orientations politiques parler de la nécessité pour une organisation de contribuer aux logiciels libres qu'elle utilise. Nous avons souvent vu des élus montrer clairement qu'ils comprenaient l'urgence pour le secteur public de bâtir une expertise interne en technologies de l'information (TI), mais jamais avant M. Croteau on avait aussi clairement indiqué que cette expertise devait obligatoirement inclure une importante expertise en développement de logiciels libres. C'était aussi la première fois que dans la bouche d'un élu du peuple on entendait dire que les logiciels non libres sont, règle générale, désavantageux en raison des restrictions de leurs licences, restrictions assimilées à une forme de «menottage» dans lequel le « menotteur » est le propriétaire du logiciel et le «menotté», son utilisateur<ref>Ceux et celles qui ne seraient pas encore convaincus des conséquences négatives d'utiliser des logiciels qui ont des propriétaires sont invités à visionner l'enquête ''The Microsoft Dilemma. Is Europe Being Colonized by Software?'' (2018) produite initialement en allemand et disponible [https://www.april.org/open-bar-microsoftdefense-l-enquete-de-la-television-publique-allemande-ard-a-present-disponible-en en traduction anglaise] peu de temps après.</ref>.


Au-delà des mots de M. Croteau, nous applaudissons une politique qui, bien qu'elle vise initialement le rattrapage, s'inscrit dans le mouvement très actuel des administrations publiques du monde qui formalisent et documentent leur processus de contribution aux communautés de logiciels libres<ref>Voir notamment le [https://www.gov.uk/service-manual/technology/making-source-code-open-and-reusable Royaume-Uni], les [https://sourcecode.cio.gov/ États-Unis], la [https://disic.github.io/politique-de-contribution-open-source/introduction/ France], le [https://github.com/canada-ca/Open_First_Whitepaper Canada].</ref>.  
Au-delà des mots de M. Croteau, nous applaudissons une politique qui, bien qu'elle vise initialement le rattrapage, s'inscrit dans le mouvement très actuel des administrations publiques du monde qui formalisent et documentent leur processus de contribution aux communautés de logiciels libres<ref>Voir notamment le [https://www.gov.uk/service-manual/technology/making-source-code-open-and-reusable Royaume-Uni], les [https://sourcecode.cio.gov/ États-Unis], la [https://disic.github.io/politique-de-contribution-open-source/introduction/ France], le [https://github.com/canada-ca/Open_First_Whitepaper Canada].</ref>.  


La Ville de Montréal ne le formule pas exactement ainsi, mais il s'agit bien, à ne pas s'y tromper, d'un exemple d'une politique par laquelle le secteur public cherche à contribuer directement à la protection, au soutien et au développement des communs numériques que sont les logiciels libres. Ces communs numériques, qui sont hors de la propriété privée d'un côté et de la propriété publique de l'autre, permettent d'inventer une nouvelle économie reposant sur des valeurs de liberté et de collaboration. La politique dévoilée le 15 mai parle déjà du «matériel libre» en plus du «logiciel libre» : il y a donc lieu d'espérer que la Ville de Montréal se dotera à terme d'une véritable politique publique favorable aux communs en général. S'agissant des communs numériques, cette politique pourrait notamment comporter des dispositions par lesquelles la Ville de Montréal favoriserait et soutiendrait la contribution non seulement de son administration publique mais également de l'ensemble des Montréalais aux communautés de logiciel, de matériel, de savoir et de culture libres<ref>Il y a d'importants défis à relever en suivant cette troisième voie, notamment pour les communs que sont les données libres et ouvertes. Voir à ce sujet notre article « [https://facil.qc.ca/donnees-ouvertes-communs Données ouvertes : comment développer et protéger ces nouveaux communs ?] »</ref>.
La Ville de Montréal ne le formule pas exactement ainsi, mais il s'agit bien, à ne pas s'y tromper, d'un exemple d'une politique par laquelle le secteur public cherche à contribuer directement à la protection, au soutien et au développement des communs numériques que sont les logiciels libres. Ces communs numériques, qui sont hors de la propriété privée d'un côté et de la propriété publique de l'autre, permettent d'inventer une nouvelle économie reposant sur des valeurs de liberté et de collaboration. La politique dévoilée le 15 mai parle déjà du « matériel libre » en plus du « logiciel libre » : il y a donc lieu d'espérer que la Ville de Montréal se dotera à terme d'une véritable politique publique favorable aux communs en général. S'agissant des communs numériques, cette politique pourrait notamment comporter des dispositions par lesquelles la Ville de Montréal favoriserait et soutiendrait la contribution non seulement de son administration publique mais également de l'ensemble des Montréalais aux communautés de logiciel, de matériel, de savoir et de culture libres<ref>Il y a d'importants défis à relever en suivant cette troisième voie, notamment pour les communs que sont les données libres et ouvertes. Voir à ce sujet notre article « [https://facil.qc.ca/donnees-ouvertes-communs Données ouvertes : comment développer et protéger ces nouveaux communs ?] »</ref>.


Mais redescendons sur Terre et revenons à la politique qui est devant nous aujourd'hui. Avons-nous quelques commentaires critiques à formuler à son endroit ? Oui, nous en avons en effet à soumettre à la Ville de Montréal et nous les avons réunis dans la section «Point par point» ci-bas.
Mais redescendons sur Terre et revenons à la politique qui est devant nous aujourd'hui. Avons-nous quelques commentaires critiques à formuler à son endroit ? Oui, nous en avons en effet à soumettre à la Ville de Montréal et nous les avons réunis dans la section «Point par point» ci-bas.
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=== Choix de GitHub.com, plateforme non libre ===
=== Choix de GitHub.com, plateforme non libre ===
''NOTE : Ce point de commentaire a été rédigé avant l'annonce de l'acquisition de l'entreprise GitHub par Microsoft<ref>«[https://blog.github.com/2018-06-04-github-microsoft/ A bright future for GitHub]», ''blog.github.com''.</ref>. Évidemment, le rachat de l'entreprise qui a produit la plateforme non libre GitHub.com par un des géants du numérique privateur de libertés n'améliore en rien la situation, au contraire.''
''NOTE : Ce point de commentaire a été rédigé avant l'annonce de l'acquisition de l'entreprise GitHub par Microsoft<ref>« [https://blog.github.com/2018-06-04-github-microsoft/ A bright future for GitHub] », ''blog.github.com''.</ref>. Évidemment, le rachat de l'entreprise qui a produit la plateforme non libre GitHub.com par un des géants du numérique privateur de libertés n'améliore en rien la situation, au contraire.''


Le choix de GitHub.com comme forge est contestable du fait qu'il s'agit d'une plateforme non libre dont le modèle d'affaires participe ultimement à la centralisation d'Internet et à la perte de contrôle sur nos données au même titre que toutes les autres plateformes du même type. Il est assez paradoxal dans une Politique sur l'utilisation et le développement des logiciels et du matériel libres de négliger ce fait. Nous comprenons bien sûr l'attrait de la plateforme : le grand nombre d'utilisateurs, la visibilité que l'on s'imagine qu'elle apportera aux projets qu'elle héberge, etc. La bonne nouvelle c'est que contrairement à d'autres plateformes non libres, il est relativement aisé d'en sortir du fait qu'elle repose sur git, un logiciel libre très utilisé par les développeurs du monde entier. On peut donc migrer dans et hors de GitHub.com beaucoup plus facilement que dans et hors de Windows pour donner un exemple extrême. Il est même possible de planifier une transition en douceur en gardant un miroir de code sur GitHub.com<ref>«[https://help.github.com/articles/about-github-mirrors/ About GitHub mirrors]», ''help.github.com''.</ref>.
Le choix de GitHub.com comme forge est contestable du fait qu'il s'agit d'une plateforme non libre dont le modèle d'affaires participe ultimement à la centralisation d'Internet et à la perte de contrôle sur nos données au même titre que toutes les autres plateformes du même type. Il est assez paradoxal dans une Politique sur l'utilisation et le développement des logiciels et du matériel libres de négliger ce fait. Nous comprenons bien sûr l'attrait de la plateforme : le grand nombre d'utilisateurs, la visibilité que l'on s'imagine qu'elle apportera aux projets qu'elle héberge, etc. La bonne nouvelle c'est que contrairement à d'autres plateformes non libres, il est relativement aisé d'en sortir du fait qu'elle repose sur git, un logiciel libre très utilisé par les développeurs du monde entier. On peut donc migrer dans et hors de GitHub.com beaucoup plus facilement que dans et hors de Windows pour donner un exemple extrême. Il est même possible de planifier une transition en douceur en gardant un miroir de code sur GitHub.com<ref>« [https://help.github.com/articles/about-github-mirrors/ About GitHub mirrors] », ''help.github.com''.</ref>.


Ce qu'il est possible et recommandé de faire c'est de ne pas imposer de plateforme dans la politique de la Ville de Montréal, comme le fait notamment la Politique de contribution aux logiciels libres de l'État de la DINSIC (France)<ref>«[https://disic.github.io/politique-de-contribution-open-source/pratique/ Modalités d’ouverture des codes sources. Politique de contribution open-source de la DINSIC]», ''disic.github.io''.</ref>.
Ce qu'il est possible et recommandé de faire c'est de ne pas imposer de plateforme dans la politique de la Ville de Montréal, comme le fait notamment la Politique de contribution aux logiciels libres de l'État de la DINSIC (France)<ref>« [https://disic.github.io/politique-de-contribution-open-source/pratique/ Modalités d’ouverture des codes sources. Politique de contribution open-source de la DINSIC] », ''disic.github.io''.</ref>.


Mais n'est-il pas désavantageux pour la Ville et même pour l'ensemble de la vaste communauté du logiciel libre d'avoir des projets de code dispersés un peu partout sur Internet ? N'est-il pas avantageux de tout retrouver dans un même grand catalogue ? Oui, c'est avantageux, mais pas si cela se fait au prix de la centralisation et de ses conséquences néfastes. Dans les faits, la Ville de Montréal se retrouvera nécessairement (si ce n'est déjà le cas) à travailler avec du code qui vient de plusieurs forges. Elle devra donc, comme toutes les grandes organisations qui utilisent et développent du logiciel libre, garder la trace de ses propres contributions via une forme ou une autre d’agrégation et de comptabilisation d'informations tenues à jour en interne.
Mais n'est-il pas désavantageux pour la Ville et même pour l'ensemble de la vaste communauté du logiciel libre d'avoir des projets de code dispersés un peu partout sur Internet ? N'est-il pas avantageux de tout retrouver dans un même grand catalogue ? Oui, c'est avantageux, mais pas si cela se fait au prix de la centralisation et de ses conséquences néfastes. Dans les faits, la Ville de Montréal se retrouvera nécessairement (si ce n'est déjà le cas) à travailler avec du code qui vient de plusieurs forges. Elle devra donc, comme toutes les grandes organisations qui utilisent et développent du logiciel libre, garder la trace de ses propres contributions via une forme ou une autre d’agrégation et de comptabilisation d'informations tenues à jour en interne.


Notons finalement que la Free Software Foundation propose depuis quelques années déjà des critères éthiques spécifiquement pour l'évaluation des hébergeurs de logiciels<ref>«[https://www.gnu.org/software/repo-criteria-evaluation.html Évaluation des hébergeurs de logiciel selon les critères éthiques de GNU]», ''gnu.org''.</ref>.
Notons finalement que la Free Software Foundation propose depuis quelques années déjà des critères éthiques spécifiquement pour l'évaluation des hébergeurs de logiciels<ref>«[https://www.gnu.org/software/repo-criteria-evaluation.html Évaluation des hébergeurs de logiciel selon les critères éthiques de GNU]», ''gnu.org''.</ref>.
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