Utilisateur:Mathieugp/Brouillons/De la République des Lettres aux logiciels libres
Exposé d'une durée de 20 minutes à terminer à temps pour le 23 avril 2015.
La question posée : «Il s'agira en particulier de comprendre comment les communautés du logiciel libre, comme celle de Linux, se structurent et évoluent. Plus précisément, comment ces communautés, comme d'autres à travers les âges, parviennent à s'éloigner de la théorie néoclassique de l’homo œconomicus, selon laquelle, les individus agissent exclusivement dans la recherche de leur seul intérêt immédiat plutôt que dans un intérêt collectif (Parance, 2014).»
Introduction
On me demande de prononcer quelques paroles sur les concepts de «bien commun» et de «logiciel libre». J'ai personnellement l'habitude de discuter de la question du logiciel libre dans les termes de l'éthique des quatre libertés fondamentales dont doivent jouir les utilisateurs et utilisatrices d'ordinateurs, selon la définition même du logiciel libre. C'est sans doute ce que font la plupart des libristes convaincus. Mais on peut évidemment discuter d'autre chose que du contrat passé entre le développeur et l'utilisateur dans la production et l'échange de la ressource qu'est le logiciel. On peut notamment discuter de la ressource elle-même, de son régime de propriété, de son mode d'exploitation et c'est ce dont il sera question dans mon exposé.
Je vais commencer par rappeler l'existence de quelques communautés de partage antérieures à la communauté du logiciel libre et montrer ce qui m'apparaissent être des éléments de continuité entre elles.
Je vais ensuite décrire quelques unes des principales caractéristiques du logiciel libre comme ressource partagée ainsi que le fonctionnement de quelques unes des communautés de logiciel libre.
Finalement je vais partager une courte réflexion de mon cru sur les bénéfices, les défis et les pièges de la «gratuité» du numérique.
Quelques jalons d'histoire
La philosophie de la communauté du logiciel libre n'est pas apparu de nulle part, on s'en doute bien. Je vais parler brièvement de quelques communautés qui peuvent se comparer sous certaines rapports à celle du logiciel libre, soit celle des citoyens de la République des Lettres, celle des philosophes qui collaborerons à L'Encyclopédie et celles des hackers du Massachusetts Institute of Technology (MIT).
La République des Lettres : la chose commune de l'esprit
La République des Lettres est un espace de liberté qui est ouvert à la critique et ne connaît pas de frontières. Ses citoyens servent les Lettres et n'accordent pas d'importance aux distinctions de religion, de nationalité ou de rang social. On accède à la citoyenneté en participant au vaste réseau d'échange de correspondance, de manuscrits et de livres, qui constitue la principale institution de cette «république» idéale[1]. Aux siècles de l'Humanisme et de la Renaissance, les richesses de la communauté internationale des savants (gens de lettres) sont bien trop précieuses pour être la propriété exclusive des uns ou des autres : elles sont mises en partage et la rareté des écrits est combattue par tous les moyens de diffusion connus.
L'Encyclopédie : sciences, arts et métiers
Les collaborateurs de L'Encyclopédie dirigée par Diderot et D'Alembert sont de facto des citoyens de la République des Lettres, dont le réseau est très étendu et développé dans l'Europe du Siècle des Lumières.
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L'Encyclopédie ne contribue pas qu'à la diffusion massive de la connaissance «scientifique», mais également de la connaissance des «arts et métiers». Elle fait connaître et comprendre à un vaste public plusieurs inventions récentes, le fonctionnement des machines, les techniques et les procédés qui intéressent toutes sortes de gens, dont ceux qui ont un esprit d'ingénieur ou de bricoleur.
Les communautés de hackers : all information should be free
La communauté du logiciel libre : libérer le cyberespace ?
Comme les citoyens de la République des Lettres, les Encyclopédistes et les hackers, les libristes sont en mission. Pour le bien de l'Humanité, ils veulent libérer le cyberespace, qui selon eux est colonisé par de grandes sociétés multinationales qui détiennent la propriété des logiciels et confinent les utilisateurs et utilisatrices d’appareils numériques au rôle de simples consommateurs, atomisés, impuissants. Comme leurs devanciers, ils ignorent les frontières politiques, les distinctions religieuses et souhaitent travailler avec tout ceux et toutes celles qui partagent leur éthique et savent se rendre utiles à la communauté d'égaux qu'ils veulent bâtir.
Pour libérer le cyberespace, il faut mettre à disposition des utilisateurs et utilisatrices d’appareils numériques des logiciels libres, c'est-à-dire des logiciels qui respectent les libertés des individus et des communautés.
Quelles sont les caractéristiques des logiciels qu'on dit «libres» par rapport à ceux qui ne le sont pas ? Au fait, quel est le problème avec le logiciel qui n'est pas «libre» ?
D'abord un logiciel est un bien immatériel dont le coût de reproduction est négligeable dès lors que les appareils numériques capables d'en faire des copies numériques parfaites sont mis en réseau, ce qui est le cas avec Internet, le grand réseau des réseaux.
Le logiciel a également les propriétés des biens anti-rivaux, soit des biens dont la valeur d'usage augmente avec le nombre de ses utilisateurs et utilisatrices.
Si l'on considère le logiciel comme une ressource et qu'on l'analyse sous l'angle de l'économie, ce sont ces deux caractéristiques qui sont peut-être les plus évidentes. Mais tous les avantages que l'humain peut espérer tirer de cette ressource aux propriétés remarquables sont mis en échec dès lors que l'on lui assigne un «propriétaire» qui désire jouir d'un monopole sur son exploitation. Le logiciel qui a un propriétaire (proprietary software) est une boîte noire que les utilisateurs et utilisatrices d'appareils numériques sont autorisés à exécuter aux conditions d'une licence restrictive. Le droit fournit tout un arsenal de moyens à qui veut emprunter cette voie : copyright, brevets, marque de commerce, secret industriel, etc.
Il n'est pas anodin de rappeler qu'un des essais majeurs de Richard Stallan sur le logiciel libre s'intitule «Pourquoi les logiciels ne doivent pas avoir de propriétaire» (1994). Cet essai consiste en une réfutation en règle des motifs invoqués par les propriétaires de logiciels pour être les seuls à jouir de la liberté d'utiliser, de copier de modifier les logiciels.
Sur quoi les libristes s'appuient-ils pour atteindre leurs buts ? (outils légaux, institutions)
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Il existe différent modèles économiques dans le milieu du logiciel libre. En voici quelques exemples :
Fondations privés sans but lucratif : Linux et WordPress
Mutualisation : ADULLACT et Webkit
Les bénéfices, les défis et les pièges de la «gratuité» du numérique
Notes et références
- ↑ Françoise Waquet, «Qu'est-ce que la République des Lettres ? Essai de sémantique historique», dans Bibliothèque de l'école des chartes, 1989, volume 147, numéro 147, p. 473-502.