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====Mesure 20 : Développer les cours en ligne ouverts massivement pour répondre à des besoins de formation à grande échelle (Éduc, ES)====
====Mesure 20 : Développer les cours en ligne ouverts massivement pour répondre à des besoins de formation à grande échelle (Éduc, ES)====


En octobre 2013, FACiL diffusait un texte d'opinion<ref>«[https://facil.qc.ca/libre-opinion-o%C3%B9-est-l%E2%80%99universit%C3%A9-num%C3%A9rique-qu%C3%A9b%C3%A9coise Où est l’université numérique québécoise?]», facil.qc.ca, 21 octobre 2013.</ref>, relayé dans le quotidien ''Le Devoir'', pour attirer l'attention du public sur le retard du Québec vis-à-vis de la France dans la production et la diffusion de cours en ligne ouverts à tous. C'est en effet en octobre 2013 que la France lançait avec une offre initiale de 20 cours la plateforme «France université numérique», qui est basée sur le logiciel libre Open edX. Cinq ans plus tard, le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur du Québec est enfin au stade de l'adoption d'un plan d'action numérique qui mentionne ce type de cours.
En octobre 2013, FACiL diffusait un texte d'opinion<ref>«[https://facil.qc.ca/libre-opinion-o%C3%B9-est-l%E2%80%99universit%C3%A9-num%C3%A9rique-qu%C3%A9b%C3%A9coise Où est l’université numérique québécoise?]», facil.qc.ca, 21 octobre 2013.</ref>, relayé dans le quotidien ''Le Devoir'', pour attirer l'attention du public sur le retard du Québec vis-à-vis de la France dans la production et la diffusion de cours en ligne ouverts à tous. C'est en effet en octobre 2013 que la France lançait avec une offre initiale de 20 cours la plateforme «France université numérique», qui est basée sur le logiciel libre Open edX. Cinq ans plus tard, le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur du Québec est enfin au stade de l'adoption d'un plan d'action numérique qui mentionne ce type de cours : ce n'est pas trop tôt.


En plus de faire le choix d'une plateforme en logiciel libre intégrant ou fédérant les cours déjà en ligne (EDUlib, etc.), nous attirons l'attention sur la possibilité pour le Québec de monter une riche offre de cours pour différents publics. Ces cours exemplaires, faits avec des REL et disponibles en libre accès, pourraient viser bien sûr l'atteinte des priorités du ministère et des établissements, mais aussi l'atteinte de grands objectifs politiques et sociaux, par exemple :  
En plus de faire le choix d'une plateforme en logiciel libre intégrant ou fédérant les cours déjà en ligne (EDUlib, etc.), nous attirons l'attention sur la possibilité pour le Québec de monter une riche offre de cours pour différents publics. Ces cours exemplaires, faits avec des REL et disponibles en libre accès, pourraient viser bien sûr l'atteinte des priorités du ministère et des établissements, mais aussi l'atteinte de grands objectifs politiques et sociaux, par exemple :  

Version du 31 juillet 2018 à 11:06

Ce document contient les commentaires critiques de FACiL sur le Plan d'action numérique en éducation et en enseignement supérieur rendu public le 30 mai 2018.


Perspective globale sur le plan

Éléments positifs

Voici quelques éléments positifs du plan vu dans une perspective globale:

Existence d'un plan

L'existence même du plan d'action, présenté comme faisant partie d'un mouvement «itératif et continu» s'inscrivant dans le cadre de la Stratégie numérique du Québec, est en soit positive. Il vaut mieux avoir un plan que rien du tout. Et quand on a un plan, il est important de jouir d'une latitude suffisante pour le modifier et l'adapter aux circonstances nouvelles.

Tous les ordres d'enseignement

Le plan est suffisamment global pour que tous les ordres d'enseignement (l'éducation nationale et l'enseignement supérieur) soient concernés. Il aurait été dommage de multiplier les plans sectoriels pour l'éducation, qui ne peut être envisagée convenablement que dans une perspective globale et transversale dans laquelle on tient compte de tous les âges et de tous les secteurs de la société.

Initier et non subir

Le plan exprime la volonté d'initier la «révolution numérique» et non de la subir (p. 69). S'il est effectivement possible pour les Québécoises et les Québécois de maîtriser quoi que ce soit de la transition numérique dans laquelle ils sont embarqués de gré ou de force, ce sera en bonne partie grâce à l'action de notre système public d'éducation. Sommes-nous prêts à utiliser ce système précieux (que beaucoup d'autres peuples n'ont pas) pour tirer toute la société dans la bonne direction ?

Enjeux éthiques

Le plan propose d'agir pour répondre aux enjeux éthiques de la transition numérique : des «comportements et pratiques éthiques» sont inscrits au nombre des «compétences numériques» à acquérir. Malheureusement, comme il sera indiqué dans les éléments négatifs plus bas, l'absence de toute critique du numérique et de la marchandisation de l'éducation dans le plan n'augure rien de bon.

Mutualisation

La «mutualisation» fait partie des principes directeurs du plan d'action, ce qui est une excellente nouvelle si on précise bien quelles formes de mutualisation on entend mettre en œuvre.

Grands projets

De grands projets, comme le eCampus, font partie des objectifs. Bien qu'évidemment risqués, ces projets peuvent être une bonne nouvelle s'ils sont réalisés intelligemment. Tous les acteurs seront-ils impliqués dans leur réalisation ? Les moyens seront-ils au rendez-vous ?

Éléments négatifs

Voici quelques éléments négatifs du plan vu dans une perspective globale:

Aucune critique du numérique

Le plan ne comporte aucune critique du numérique. Il y a pourtant lieu de le critiquer à plusieurs niveaux, notamment du point de vue des atteintes bien réelles à nos libertés et à nos droits et aussi du point de vue environnemental. Menée avec sérieux, cette critique doit déboucher d'un côté sur le rejet d'une grande partie de l'offre de produits et de services de l'industrie du numérique et de l'autre sur l'adoption des solutions de remplacements, malheureusement moins publicisées, qui rencontrent des critères d'éthique beaucoup plus élevés que ceux de l'industrie.

Aucune critique de la marchandisation de l'éducation

Le plan ne comporte aucune critique de la marchandisation de l'éducation. Un plan numérique bien conçu — qui donne notamment la priorité aux logiciels libres et aux ressources éducatives libres — peut contribuer de plusieurs manières à lutter contre ce phénomène néfaste. S'agissant par exemple de l'accessibilité aux études supérieures, nous avons montré dans notre mémoire de 2013 intitulé L'informatique libre dans l'enseignement supérieur et la recherche qu'il est «raisonnable de penser que l'appropriation de solutions informatiques reposant sur les logiciels libres, les ressources éducatives libres, les données libres, aident à réduire voire à éliminer certains des frais afférents qui s'ajoutent aux droits de scolarité.[1]» Plus généralement, la mutualisation des ressources informatiques et éducatives libres entre les établissements, leur participation à de grandes communautés de production et de partage de ressources numériques, promet non seulement des économies considérables à tous les niveaux, mais elle est le contraire radical de la logique de mise en concurrence excessive des universités transformées en entreprises à bâtir des campus pour attirer plus de clients qui achèteront plus de diplômes pour servir la demande à court terme du secteur privé.

Pas de priorité aux logiciels libres, aux REL et plus généralement aux communs numériques

Le plan ne donne pas de priorité aux logiciels libres et aux ressources éducatives libres (REL) et ne fait aucunement référence aux (biens) communs numériques ni même au Bien commun tout court. Cette critique générale est valable notamment pour les mesures 11, 12, 13, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 24, 25, 27, 28 et 29.

La «priorité aux logiciels libres et aux standards ouverts dans tous les projets numériques de l'État» est une revendication de FACiL depuis au moins 2009. Nous avons eu l'occasion de l'expliquer dans plusieurs de nos mémoires, dont le plus récent est Donner la priorité au logiciel libre. La voie à suivre pour graduellement rendre public le code source des logiciels financés par le public[2] (2017).

La même priorité peut et doit s'appliquer en matière de ressources éducatives avec les ressources éducatives libres (REL). Comme nous l'avons soutenu dans L’informatique libre : pour mettre la liberté et le partage au cœur de la Stratégie numérique du Québec[3], notre mémoire de février 2017 présenté dans le cadre de la consultation citoyenne relative à la Stratégie numérique du Québec, dans l'élaboration de son plan d’action en la matière, le gouvernement du Québec peut s’inspirer « [...] des recommandations contenues dans la Déclaration de Paris sur les ressources éducatives libres du Congrès mondial sur les REL de juin 2012, les Lignes directrices pour les ressources éducatives libres (REL) dans l’enseignement supérieur de l’Unesco de 2012, de même que des voies d’actions et des meilleures pratiques suggérées par l’Unesco, l’OIF, et l’AUF dans la Déclaration de Dakar sur les Ressources éducatives libres du 5 mars 2009».

Formes de la mutualisation non définies

Le plan évoque certes la mutualisation des ressources et des expertises, mais ne précise pas les formes de cette mutualisation.

En matière de numérique, nous voyons deux grandes façons de mutualiser des ressources, des équipements et des expertises : l'une qui libère et enrichit, l'autre qui emprisonne et appauvrit.

La manière qui emprisonne et appauvrit presque nécessairement à moyen ou long terme est celle qui consiste à simplement obtenir un «rabais» en effectuant par exemple l'achat «en gros» de licences (logiciels et autres ressources numériques) ou d'abonnements à des services en ligne (de plus en plus la norme depuis l'apparition de l'infonuagique). Au départ, l'idée n'est pas mauvaise : en se regroupant, on se donne les moyens de négocier non seulement les droits d'utilisation des ressources, mais aussi les contrats de soutien et de formation. Malheureusement, lorsque cette voie est suivie, on n'obtient pas autant d'avantages qu'on le devrait. Ce type de mutualisation n'entraîne à moyen ou long terme qu'une dépendance envers des fournisseurs uniques, qui sont en position d'abuser de leur monopole d'exploitation. Naturellement, nous déconseillons vigoureusement cette forme «tronquée» de mutualisation.

L'autre manière, celle qui libère et enrichit, est la voie des logiciels libres, des ressources éducatives libres et des autres communs numériques. En suivant cette voie, on bénéficie de tous avantages de ceux qui se regroupent pour se donner les moyens de négocier, mais sans récolter tous les désavantages qui découlent de la dépendance envers des fournisseurs difficilement remplaçables... En prime, on obtient également tous les avantages de la jouissance des libertés d'utiliser, de copier, de modifier et de republier des versions modifiées de ressources partagées, dans le cadre d'une communauté qui se donne ses propres règles et ses propres objectifs. Il est possible de faire la transition vers le modèles des communs de manière indirecte en commençant, dans un premier temps, par mutualiser dans le développement en interne de ressources numériques qui seront donc de propriété publique, puis, dans un deuxième temps, en précisant les conditions de réutilisation desdites ressources afin d'accueillir la participation de nouveaux acteurs.

Point par point

Mesure 01 : Établir un cadre de référence des compétences numériques transversal à tous les ordres d'enseignement (Éduc, ES)

À inclure dans les «compétences numériques» générales pour tous les citoyen.ne.s :

  • savoir distinguer les logiciels qui respectent les libertés de leurs utilisateurs de ceux qui ne les respectent pas
  • savoir distinguer les logiciels qui ont des propriétaires de ceux qui n'en ont pas
  • comprendre concrètement en quoi et comment le domaine de liberté protégé par les licences de logiciel libre est utile voire nécessaire a) à la défense des libertés et des droits fondamentaux dans la société numérique, b) au partage des savoirs, c) à la transparence des processus et d) à une plus grande redistribution de la richesse
  • connaître et comprendre avec des exemples ce que sont les fonctionnalités malveillantes et les antifonctionnalités des logiciels
  • savoir se protéger et protéger les autres contre les fonctionnalités malveillantes qui permettent le pistage, le profilage, la surveillance, la censure, etc.
  • comprendre le droit d'auteur dans ses rapports avec le droit à la liberté d'expression, le droit à l'information, le domaine public et le numérique
  • connaître les modèles juridiques et économiques alternatifs (exemple Creative Commons) qui sont apparus avec Internet pour accorder plus de libertés au public
  • comprendre le système des licences de contenu de Creative Commons : savoir distinguer les licences libres dans le lot
  • savoir distinguer les médias qui sont entravés par des technologies de menottage numérique (DRM) de ceux qui ne le sont pas
  • savoir distinguer les publications et les archives numériques qui sont en libre accès de celles qui ne le sont pas et connaître la «voie d'or» et la «voie verte»
  • savoir distinguer le libre accès de la libre réutilisation (commerciale ou non)
  • comprendre les principes fondateurs, les règles, les recommandations et le fonctionnement pratique de Wikipédia de manière à pouvoir y contribuer en vue de l'améliorer
  • comprendre les principes, les règles, les conventions et le fonctionnement pratique d'OpenStreetMap de manière à pouvoir y contribuer en vue de l'améliorer

Mesure 02 : Accroître l'usage pédagogique de la programmation informatique (Éduc)

Une association comme la nôtre ne sera certainement pas opposée par principe à l'objectif d'accroître le nombre de nos concitoyens qui demain seront en mesure de maîtriser leur informatique parce qu'ils auront appris comment programmer leurs propres appareils numériques. Cela dit, il est important d'être renseigné sur les périls de la tendance actuelle qui voudrait que la programmation soit inscrite au curriculum dès le primaire, que tous — enfants, parents, enseignants — découvrent qu'ils aiment coder et que le secteur public achète du secteur privé des tonnes de produits et de services pour y parvenir.

Premièrement, les grandes multinationales du numérique qui proposent leurs systèmes, plateformes, bibliothèques, outils et autres ressources pour l'apprentissage de la programmation sont évidemment en conflit d'intérêt dans cette affaire. C'est dans le contexte d'une pénurie de main d'œuvre qualifiée susceptible de perdurer encore longtemps que les lobbyistes de l'industrie du numérique investissent pour accroître le nombre de travailleurs sur le marché et ainsi tirer les salaires vers le bas[4]. Les entreprises privées (et même les organismes sans but lucratif) qui offrent des produits et des services dans ce nouveau marché ne doivent pas exercer d'influence indue dans l'élaboration des programmes et surtout dans le choix des langages, des plateformes, des outils de développement, des appareils numériques et des contenus pédagogiques.

À la place, l'État doit bâtir dans nos écoles un environnement qui permettra aux jeunes de découvrir qu'en écrivant du code ils deviennent de fait des auteurs. Qu'en tant qu'auteurs de code, ils doivent se positionner sur d'importants enjeux d'éthique liés à la pratique de la plupart des métiers du numérique. À un âge approprié, ils doivent avoir l'occasion de prendre conscience de leurs libertés, de leurs droits et de leurs responsabilités envers les autres à titre d'utilisateurs et d'auteurs de code informatique.

Aussi, l'apprentissage de la programmation dans le contexte d'un nombre limité d'heures d'enseignement des matières fondamentales pose un problème en soit. Lorsque les heures consacrées à l'apprentissage de la littératie numérique prennent la place de celles qui devraient être consacrées à la littératie tout court, on n'accomplit naturellement rien de bon.

Si on évite les écueils de la tendance actuelle, qu'on ne phagocyte pas les heures d'apprentissage des matières fondamentales, qu'on ne tombe pas dans les nombreux pièges de l'offre commerciale ou commanditée, qu'on prend soin de faire découvrir le plus tôt possible les questions éthiques de l'informatique et qu'on ne sacrifie pas la langue française au passage, alors peut-être qu'«accroître l'usage pédagogique de la programmation informatique» produira des effets bénéfiques pour la société.

Ces effets bénéfiques devront être démontrables scientifiquement avant de passer des projets pilotes et des cours optionnels au déploiement généralisé à toutes les écoles primaires et secondaires.

Mesure 05 : Favoriser la formation continue du personnel enseignant, professionnel et de soutien en matière de pédagogie numérique (Éduc, ES)

Il serait essentiel de considérer la formation continue du personnel comme l’élément fondamental du transfert de connaissances qui sera ensuite effectué envers l’étudiant. Ainsi, le personnel doit être en mesure d’apprivoiser les concepts technologiques au sens large, sans être guidé par un fournisseur en particulier ni par des implémentations particulières de ces technologies. Ainsi, les formats ouverts et le logiciel libre devraient constituer les fondements de cette formation. Ces choix technologiques ont pour avantage d’être pérennes et accessibles à tous sans engendrer de dépendance. Un contenu développé à partir de ces concepts aura une durée de vie beaucoup plus longue et pourra ainsi avoir un impact sur une génération entière. Il est facile de voir de quelle façon quelques grands joueurs pourraient accaparer cette offre de formation et en faire une source de revenus récurrents. Le concept d'obsolescence programmée s'applique aux compétences numériques autant qu'aux produits numériques.

Mesure 09 : Amener les apprenants à saisir les possibilités, les enjeux et les impacts de l'usage du numérique, incluant ceux liés à la protection de la vie privée (Éduc, ES)

Nous avons évalué le site «Citoyenneté numérique Québec» à l'adresse https://citoyennetenumeriquequebec.ca et voici quelques constatations :

À la lumière du contenu du site, le slogan «Citoyen du monde, un pas à la fois» s'avère assez mal choisi! On a plus l'impression qu'on veut former des «sujets obéissants» des lois en place que des citoyens et des citoyennes capable de participer à l'élaboration des lois. C'est la principale critique que nous formulons : on évoque les lois actuelles (pour une bonne part désuètes face aux enjeux du numérique), on montre quelques cas pratiques, mais on ne remonte jamais jusqu'au politique. Pour corriger le tir, il suffirait peut-être d'ajouter une nouveau thème comme ceci :

Politique
Le numérique est politique!

Problèmes, enjeux et causes politiques dans la société numérique.

Ce thème permettrait d'introduire des dossiers de presse sur des enjeux éthiques et politiques majeurs, des batailles politiques, des affaires portées devant les tribunaux, des initiatives citoyennes pour solutionner les problèmes, etc. Bref, le thème présenterait de la matière à réflexion et des pistes d'action pour bâtir la société numérique libre et juste dans laquelle nos «jeunes» vivront quand nous seront trépassés...

En vrac, quelques uns des points les plus faibles du site :

  • Rien sur le mal social causé par les logiciels privateurs de libertés, avec leurs diverses fonctionnalités malveillantes et les nombreux abus auxquels s'adonnent leurs propriétaires.
  • Rien sur le mal social causé par les services numériques «gratuits» des GAFAM qui accaparent nos données et sont préinstallés sur nos appareils numériques; rien par exemple sur le fait que l'Europe est en avance sur l'Amérique dans la réponse juridique à une partie de ces maux
  • On montre comment gérer ses paramètres de confidentialité dans Facebook, mais on ne dit rien sur les nombreux scandales (notamment ceux concernant la vie privée) dans lesquels l'entreprise est directement impliquée
  • Le droit d'auteur n'est pas expliqué en relation avec le droit à la liberté d'expression, le droit à l'information et le domaine public.
  • La capsule audiovisuelle sur les licences Creative Commons n'est pas mal du tout, mais elle elle déjà désuète car elle ne mentionne pas la licence CC Zéro et la marque du domaine public.
  • On rate l'occasion de montrer les alternatives qui existent aux services en ligne des GAFAM, notamment ceux proposés par Framasoft
  • Traduit de l'anglais vers le français : triste reflet de notre position de nation minoritaire. Une initiative francophone autonome aurait été nettement préférable.

Mesure 11 : Soutenir l'acquisition et le développement de ressources éducatives numériques (Éduc, ES) et autres mesures connexes (13, 23, 24, 25)

Ce commentaire est valable pour la mesure 11 (soutenir l'acquisition et de développement de ressources éducatives numériques), la mesure 13 (développer des outils d'évaluation ministérielle en format numérique), la mesure 23 (mettre en place le dossier numérique unifié de l'élève, qui le suivra tout au long de son parcours éducatif), la mesure 24 (soutenir et encadrer le développement des progiciels de gestion intégrés dans les réseaux de l'éducation et de l'enseignement supérieur) et la mesure 25 (accroître la communication et la collaboration entre les intervenants scolaires, les élèves et les parents en exploitant le potentiel du numérique).

Des logiciels libres, dans certains cas très avancés et très déployés dans le secteur public, existent déjà pour réaliser concrètement toutes ces mesures. La meilleure stratégie à adopter pour l'État est alors de se joindre aux communautés de logiciels libres qui inspirent le plus de confiance et où les francophones sont déjà nombreux.

Très récemment, en mars 2018, un bénévole de FACiL a réalisé une évaluation sommaire de certains des logiciels libres concernés par les mesures 13, 23, 24 et 25, qui sont plus nombreux qu'on pourrait le croire, dans le document suivant : Logiciels libres de gestion scolaire.

Il est important de savoir que les communautés de logiciel libre sont souvent organisées sur la base de structures sans but lucratif et que par conséquent elles ne disposent pas de budgets de promotion et de lobbyisme. Pour cette raison, il faut que l'État se dote d'une expertise interne pour bien repérer et évaluer les communautés de logiciels libres qui ne viendront pas forcément, contrairement à leurs concurrents qui développent des logiciels privateurs de liberté, sonner à la porte des organismes publics pour vendre leurs produits et les services. C'est tout le processus «d'acquisition» qui doit être adapté en conséquence.

Concernant la mesure 24 qui mentionne la suite SAFIRH, nous n'avons pas réussi à trouver en ligne l'information qui nous permettrait de savoir s'il s'agit d'un PGI construit avec des composants libres, non libres ou un mélange des deux et dans quelle mesure le consortium SAFIRH détient les droits d'auteur sur le code source. Nous comprenons qu'il s'agit d'une application Java pour le web, donc en principe un système multiplateforme qui pourrait potentiellement évoluer en un système entièrement libre si des dépendances envers des composants non libres ne sont pas inutilement créées. Nous conseillons donc au consortium SAFIRH et plus généralement au réseau de l'éducation et de l'enseignement supérieur ce que nous avons conseillé au réseau de la santé en 2016 dans notre Mise au point sur Cristal-Net. En résumé, nous conseillons d'évaluer la possibilité de faire de SAFIRH un véritable logiciel libre, qui serait publié sous une licence libre et rendu disponible dans un dépôt public. Ce choix permettrait de faire de SAFIRH un bien commun numérique, une véritable ressource partagée et gérée par l'ensemble de ses utilisateurs et de ses utilisatrices. La liberté d'utiliser, de copier, de modifier et de republier des versions modifiées permettrait de dynamiser le développement de la suite logicielle, notamment en attirant une diversité de collaborateurs (nationaux et internationaux) qui ne sont pas forcément membres du réseau de l'enseignement supérieur du Québec. De plus, le public gagnerait la liberté de faire auditer le code source de manière entièrement indépendante et publique pour une meilleure garantie de protection des données personnelles de la population. Le projet Infrastructure géomatique ouverte (IGO) lancé en août 2015[5] est un exemple concret d'une manière de faire que nous croyons possible et souhaitable de reproduire ailleurs dans le secteur public. À notre avis, c'est là une excellente voie pour développer l'expertise interne en informatique dont l'État québécois a grandement besoin.

Mesure 14 : Assurer la libération de données ouvertes et favoriser leur utilisation (Éduc, ES)

Le potentiel ici est très grand, que l'on pense aux données les plus directement utiles aux étudiants, aux enseignants, aux chercheurs, aux établissements, aux ministères ou au public en général. Vu le grand nombre d'acteurs impliqués, acteurs qui ont l'habitude d'évoluer dans des milieux séparés et qui tiennent à leur autonomie; vu également la nécessité de coordination et de mutualisation sur le long terme, il y a lieu de voir dans la libération des données de l'éducation et de l'enseignement supérieur un véritable chantier.

Le fait que le Québec soit peu avancé dans la libération de données de ce secteur[6] et qu'il en soit encore aux étapes initiales d'implantation d'« une structure de gouvernance pour l'ouverture des données » et de définition des orientations ministérielles en la matière est peut-être une occasion de bien commencer ce chantier en impliquant dès le départ tous les acteurs.

Ce que nous recommandons pour bien amorcer ce chantier c'est de réunir, dans un processus continu, des représentants de tous les milieux concernés afin de discuter en profondeur au minimum des points suivants :

  • l'inventaire des jeux de données disponibles et potentiellement libérables
  • les jeux de données qui n'existent pas, mais qui pourraient utilement être produits
  • les priorités dans la libération de nouveaux jeux et l'amélioration de la qualité des jeux existants
  • les applications et les cas de réutilisations de données de l'étranger qui sont inspirants
  • les applications et les cas de réutilisations de données qui répondraient aux besoins et aux attentes
  • les occasions de mutualisation au niveau national, panfrancophone ou international

Rappelons au passage qu'au lendemain du Sommet sur l'enseignement supérieur de 2013, FACiL avait été obligé de déplorer le fait qu'aucun des cinq chantiers de travail ne portait sur le numérique. Le Plan numérique en éducation et enseignement supérieur est une bonne occasion de corriger cette lacune.

Mesure 15 : Développer une plateforme nationale de ressources éducatives numériques (Éduc)

Rappelons d'abord, comme il a été affirmé plus haut, que pour FACiL l'achat massif de droits d'utilisation de ressources non libres n'est pas la bonne voie à suivre en fait de mutualisation et de partage. La priorité doit selon nous aller à l'encouragement et au soutien de la production et de la promotion de ressources éducatives libres (REL). Aussi, vu l'abondance des plateformes réutilisables pour le catalogage et la mise en valeur des ressources numériques, nous ne voyons pas d'un œil favorable le développement original d'une énième plateforme, alors qu'il est évidemment beaucoup plus simple et économique d'adapter aux besoins particuliers du Québec une des nombreuses plateformes libres et réutilisables qui ont déjà fait leurs preuves ici ou ailleurs.

Enseignement supérieur

Dans notre mémoire de 2013 intitulé L'informatique libre dans l'enseignement supérieur et la recherche[7], nous avons pour la première fois encouragé le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur à reproduire au Québec le succès du Canal-U[8], la vidéothèque de l'enseignement supérieur en France. Non seulement y a-t-il lieu de reproduire au Québec le succès de cette plateforme qui fait au niveau national français l'agrégation, le catalogage et la mise en valeur de dizaines de milliers de ressources audiovisuelles librement accessibles (et parfois librement réutilisables) par les étudiants et les professionnels de l'enseignement et de la formation, mais il y a aussi lieu de mutualiser sur un dépôt commun et une plateforme web commune avec nos partenaires francophones du Nord et du Sud pour fédérer tous les Canal-U nationaux (France, Québec, Haïti, Sénégal, Belgique, Tunisie, etc.).

Les ressources du Canal-U de France sont aujourd'hui partie intégrante du portail global du numérique dans l'enseignement supérieur[9] qui donne accès via une interface unifiée aux catalogues des formations à distance, des cours en ligne ouverts à tous et des ressources pour l'autoformation et l'enrichissement de la culture générale des citoyens.

Le projet de manuels scolaires libres de BCcampus[10] constitue selon nous un autre exemple à suivre, notamment parce qu'il montre comment soutenir massivement les profs et autres acteurs de l'enseignement dans la production de REL et comment convaincre le public que les économies réalisées en valent la peine. Notons que la plateforme de publication de manuels scolaires libres de BCcampus est un logiciel libre conçu par une entreprise montréalaise[11].

Selon nos critères éthiques généraux développés dans notre mémoire de 2016 sur la culture[12], un bon portail global est donc construit avec des logiciels libres, mutualisé, fédéré, en libre accès, participatif, riche en métadonnées libres, réutilisables, sémantiques, interreliées et, surtout, remplie de ressources numériques principalement libres. Puisque toutes les ressources ne seront pas forcément libres, il importe finalement de bien communiquer aux utilisateurs, à l'aide de symboles facilement repérables par l'humain et de métadonnées correspondantes pouvant être traitées par l'ordinateur, les conditions d'utilisation et de réutilisation de toutes les ressources cataloguées.

Éducation nationale

Au niveau de l'éducation nationale primaire et secondaire, autant en France[13][14] qu'au Québec[15], les initiatives sont moins avancées, au niveau de l'intégration des catalogues dans un portail global, que dans l'enseignement supérieur. Cela dit, la mise en valeur et la promotion est meilleure en France qu'au Québec, qui a certes au moins un grand catalogue de ressources nommé Ceres, construit avec des logiciels libres et contenant un bon nombre de REL, mais dont le public personne n'a jamais entendu parler sauf dans le milieu de l'enseignement québécois car il n'est pas mis en valeur ni promu d'aucune manière efficace. Bien que les catalogues de ressources numériques des niveaux primaire et secondaire concernent principalement les enseignants et les pédagogues, comme pour l'enseignement supérieur il est bon de les mettre en valeur, de les promouvoir et de les rendre accessibles à tous. En effet, les citoyens veulent savoir ce qui est fait concrètement avec les fonds publics, les parents veulent savoir ce que leurs enfants apprennent à l'école et il arrive que dès le secondaire certains élèves se passionnent pour une matière quelconque (disons les mathématiques) et qu'ils cherchent activement à se former eux-mêmes comme ils le feront forcément une fois rendu au cégep.

Bref, les critères éthiques généraux évoqués plus hauts sont également applicables au primaire et au secondaire et il importe de faire connaître auprès de tous les publics les ressources qui sont disponibles.

Mesure 17 : Déployer le prêt de livres numériques en bibliothèque scolaire et encourager leur transition vers des carrefours d'apprentissage (Éduc)

Les livres numériques disponibles en «prêt» sont une mauvaise avenue en raison du menottage numérique qui est implicite dans cette approche.

Tout comme la Free Software Foundation aux États-Unis et l'April en France, FACiL milite contre le menottage numérique qui constituent les dispositifs DRM[16].

Mesure 18 : Implanter une plateforme partagée de services pour les bibliothèques universitaires (ES)

Concernant cette mesure, nous avons moins un commentaire à formuler qu'une simple question : est-ce un logiciel libre ?

Dans la catégorie des systèmes intégré de gestion de bibliothèque (SIGB), il y a plusieurs grandes communautés de logiciel libre où les francophones sont déjà bien insérés. On pense en particulier à Koha, qui, en plus d'être soutenu par des prestataires de services d'ici, est déjà dans les faits largement déployé dans de nombreuses bibliothèques publiques et autres un peu partout au Québec.

Mesure 20 : Développer les cours en ligne ouverts massivement pour répondre à des besoins de formation à grande échelle (Éduc, ES)

En octobre 2013, FACiL diffusait un texte d'opinion[17], relayé dans le quotidien Le Devoir, pour attirer l'attention du public sur le retard du Québec vis-à-vis de la France dans la production et la diffusion de cours en ligne ouverts à tous. C'est en effet en octobre 2013 que la France lançait avec une offre initiale de 20 cours la plateforme «France université numérique», qui est basée sur le logiciel libre Open edX. Cinq ans plus tard, le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur du Québec est enfin au stade de l'adoption d'un plan d'action numérique qui mentionne ce type de cours : ce n'est pas trop tôt.

En plus de faire le choix d'une plateforme en logiciel libre intégrant ou fédérant les cours déjà en ligne (EDUlib, etc.), nous attirons l'attention sur la possibilité pour le Québec de monter une riche offre de cours pour différents publics. Ces cours exemplaires, faits avec des REL et disponibles en libre accès, pourraient viser bien sûr l'atteinte des priorités du ministère et des établissements, mais aussi l'atteinte de grands objectifs politiques et sociaux, par exemple :

  • «Une éducation de masse pour répondre à la surveillance de masse» : grands enjeux du numérique et cours d'autodéfense citoyenne
  • Éducation au droit d'auteur adaptée au 21e siècle numérique
  • Logiciel libre : enjeux, philosophie, licences, défis, etc.
  • Formations professionnelles en logiciel libre : pour rebâtir l'expertise interne du secteur public
  • Francisation et introduction à la culture québécoise pour les «nouveaux arrivants»
  • Histoire du Québec et des Québécois (politique, social, culturel, économique, religion)

Bref, nous suggérons de travailler à une offre de cours qui viendrait au renfort de nos grandes politiques.

Mesure 21 : Regrouper l'ensemble de l'offre de formation à distance en enseignement supérieur – eCampus Québec (ES) et Mesure 27 : Renforcer la concertation avec les partenaires des réseaux de l'éducation et de l'enseignement supérieur (Éduc, ES)

Le Chantier sur le projet eCampus et la formation à distance en enseignement supérieur (https://www.chantier-ecampus.org) sera-t-il ouvert aux simples citoyens et citoyennes ? Nous avons posé à question en écrivant à l'adresse de courriel fournie sur le site web. Nous n'avons jamais reçu de réponse ni même d'accusé de réception.

Une cartographie de l'écosystème pourrait être une bonne idée si c'était bien fait.

Mesure 23 : Mettre en place le dossier numérique unifié de l’élève, qui le suivra tout au long de son parcours éducatif (Éduc, ES)

Un parcours éducatif peut s'étendre sur plus de 20 ans, il devient alors essentiel de considérer la pérennité de l'information. FACiL recommande l'élaboration d'un format normalisé et ouvert pour le dossier numérique de l'élève. Une spécification pour une interface de programmation de logiciels, qui offre différents niveaux d'accès, pourra lui être associée. On s'assure ainsi de pouvoir utiliser ces données de façon pérenne et sécuritaire pour tous les intervenants impliqués dans le parcours scolaire de l'élève. Les organisations et entreprises pourront ainsi développer différentes solutions qui pourront évoluer indépendamment des choix technologiques et des décisions politiques du Ministère de l'Éducation.

Mesure 26 : Instaurer une gouvernance propice au déploiement du numérique (Éduc, ES)

Une concertation citoyenne élargie s'impose sur cette question pour éviter de mettre en place «une gouvernance propice au déploiement du numérique» contre la volonté du milieu de l'enseignement, des parents, des étudiants, etc.

Mesure 29 : Soutenir l'acquisition d'équipement numérique à des fins pédagogiques dans les établissements (Éduc, ES)

La mesure mentionne des travaux qui seront menés «dans le but de moderniser les règles d'acquisition», travaux qui déboucheront sur une «catalogue d'équipement numérique» dont les objets seront sélectionnés en fonction de «visées pédagogiques». La mesure évoque l'encadrement des processus d'acquisition de l'infonuagique par le Secrétariat du Conseil du trésor et le Centre de services partagés du Québec comme exemple.

À cela nous répondons que les critères d'évaluation de l'équipement et les résultats des évaluations en fonction desdits critères doivent être rendus publics en même temps que le catalogue lui-même. Par ailleurs, il y a lieu de s'assurer de rehausser les compétences numériques des évaluateurs et des évaluatrices afin que la priorité soit donnée aux solutions plus éthiques et souvent moins connues.

Concernant les ordinateurs portables, tablettes et autres appareils numériques généralistes, nous recommandons l'achat de produits sur lesquels au moins un système d'exploitation libre (par exemple GNU/Linux) est préinstallé ou si ce n'est pas possible alors librement installable par les techniciens informatiques des écoles. Évidemment, l'ambition doit être plus grande que de simplement installer un système d'exploitation libre : elle doit être de se servir de ce fondement 100% libre pour construire un environnement numérique le plus libre possible par défaut.

Mesure 32 : Contribuer, pour le système éducatif, au plan d'action gouvernemental en infrastructures numériques (Éduc, ES)

Nous approuvons globalement le déploiement de fibre optique de propriété publique pour les besoins des réseaux de l'éducation et de l'enseignement supérieur et même au delà. Cela dit, nous attirons l'attention sur deux aspects importants qui vont dans le sens du «rehaussement global du réseau d'infrastructures et [d']une plus grande mutualisation des ressources» auquel la mesure réfère : les réseaux maillés sans fil complémentaires aux grandes infrastructures filaires et l'implication des étudiant.e.s d'informatique et de génie dans la recherche, le développement, la gestion et l'entretien des services de connectivité sans fil (tous protocoles confondus) sur les campus.

Nous attirons l'attention du ministère sur le projet catalan guifi.net, projet de réseau maillé communautaire auquel plusieurs universités et autres établissements publics collaborent, aux côtés de simples citoyens et d'entreprises, depuis de nombreuses années déjà[18]. De tels réseaux sont à la fois des terrains d'expérimentation utiles aux étudiant.e.s intéressé.e.s par la réseautique et des solutions concrètes et relativement peu dispendieuses permettant de décharger les grandes infrastructures filaires en les complémentant. En soutenant le développement de tels réseaux, l'État participe directement au partage des savoirs techniques permettant de construire le réseau Internet sur des bases décentralisées qui favorisent l'appropriation locale.

Mesure 33 : Renforcer la sécurité de l'information dans les réseaux de l'éducation et de l'enseignement supérieur (Éduc, ES)

Un des aspects centraux de la sécurité informatique au 21e siècle est la sécurité des applications, notamment les applications web et plus généralement celles qui reposent sur les technologies d'Internet. Pour que l'État québécois soit utile à l'effort collectif mondial en matière de cybersécurité, comme le préconise l'Approche stratégique gouvernementale 2014-2017 en sécurité de l'information[19], il est plus que pertinent qu'il favorise l'émergence d'une main-d'œuvre spécialisée en repérage et correction des failles de sécurité au niveau du code source et/ou de la configuration des logiciels, notamment des logiciels déployés par le secteur public pour la prestation des services numériques aux citoyens. Une coordination nationale de ces activités permettrait au Québec d'être un acteur international dans l'amélioration continue de la sécurité des logiciels libres dont sa propre population et la population mondiale dépend. Naturellement, ces activités pourtant essentielles deviennent sous-optimales dans le contexte de l'utilisation de logiciels qui en raison des restrictions de leurs licences privent les experts en sécurité de la liberté d'inspecter et de modifier les codes sources pour le bénéfice de tous. Comme nous l'argumentions dans un mémoire de 2015[20] :

Seul le partage public du code source permet de soumettre toutes les fonctionnalités d'un logiciel à un audit indépendant dans l'intérêt des utilisateurs et utilisatrices. C'est cet audit véritablement indépendant et public qui nous donne les meilleures chances de détecter (en vue de les retirer) les fonctionnalités malveillantes délibérément conçues par la grande entreprise privée ou les agences de renseignement du monde pour effectuer le pistage et le profilage des internautes. C'est également cet audit indépendant et public qui nous donne les meilleures chances de détecter les failles de sécurité qui ont pour origine une erreur humaine.

Le logiciel libre ne constitue évidemment pas une garantie contre tous les problèmes de sécurité. Quantités de problèmes de sécurité n'ont rien à voir avec la programmation mais plutôt avec l'administration, la configuration et l'utilisation des systèmes d'information par les humains et sont par conséquents les mêmes que le logiciel soit libre ou pas. Ce qui est à retenir ici c'est qu'à l'ère numérique, une «culture de la transparence» comme celle que le gouvernement désire développer au sein de l'administration publique est incomplète si elle exclue la divulgation et la libre réutilisation du code source des logiciels. Les fichiers du code source des logiciels employés par l'État sont des documents d'intérêt public.

Notes et références

  1. L'informatique libre dans l'enseignement supérieur et la recherche, 2013, p. 8.
  2. Donner la priorité au logiciel libre. La voie à suivre pour graduellement rendre public le code source des logiciels financés par le public, Montréal, 2 octobre 2017, p. 5-6.
  3. L’informatique libre : pour mettre la liberté et le partage au cœur de la Stratégie numérique du Québec, février 2017, p. 9-10.
  4. Ben Tarnoff, «Tech's push to teach coding isn't about kids' success – it's about cutting wages», The Guardian, 21 septembre 2017.
  5. http://igouverte.org
  6. Au moment d'écrire ces lignes, on compte 22 jeux de données libérées par le Québec dans la catégorie «Éducation et recherche». La majorité provient de l'Institut de la statistique du Québec. Voir https://www.donneesquebec.ca/recherche/fr/group/education-recherche
  7. L'informatique libre dans l'enseignement supérieur et la recherche, 2013, p. 11.
  8. https://www.canal-u.tv
  9. http://sup-numerique.gouv.fr
  10. http://open.bccampus.ca/
  11. https://pressbooks.com/about/
  12. L'informatique libre pour une véritable participation de toutes et de tous à la culture, 2016, p. 9.
  13. http://www.edutheque.fr/accueil.html
  14. https://primabord.eduscol.education.fr/
  15. http://ceres.vteducation.org
  16. «Journée internationale contre les DRM 2016», facil.qc.ca, 1er mai 2016.
  17. «Où est l’université numérique québécoise?», facil.qc.ca, 21 octobre 2013.
  18. D'autres projets comparables mais moins avancés existent partout à travers le monde, notamment le Réseau libre de Montréal : http://reseaulibre.ca
  19. https://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/ressources_informationnelles/directives/approche_strategique_gouvernementale.pdf
  20. https://facil.qc.ca/files/memoire-de-facil-orientations-gouv-transparence-aout-2015.pdf, p. 8.